62                  MEMOIRES DE PIERRE DE l'ESTOILE.
« O quelle est bien là ! » Venu à celle du feu roy der­nier, Henry m : « Ventre saint-gris, dit-il, voilà « mon bon frere; je veux qu'on me mette là aupres « de lui. »
Incontinent après la reduction de ceste ville, les grandes chaudieres de boulie qu'on apeloit les chaudieres d'Espagne, pour ce que c'estoit l'ambassadeur qui les donnoit, et les marmitées de chair de cheval, asne et mulet, qui estoit le manger ordinaire des pauvres, pa­rurent à Paris, et se voioient estalées aux coins des rues, où on se battoit à qui en auroit.
Le mecredi ii juillet 1590, le capitaine Potrin­court et son lieutenant furent pris par ceux du Roy, comme ils mangeoient une salade en ung cabaret des fauxbourgs Saint-Martin.
La nuict du vendredi 27 juillet i5go, le Roy exe­cuta une chose, laquelle on tient que s'il eust plus tost faite elle lui eust servi grandement pour la fin de son dessein, qui fust de prendre tous les fauxbourgs, les­quels aussitost il fist fortifier avec retranchemens et barricades ; et fist approcher le canon d'un gect de pierre des portes de la ville, et faire beaucoup de trous aux maisons qui commandoient aux murailles, pour empes­cher ceux de la ville s'avancer sur icelles ni aller sur le rempart.
La plus grand part du peuple commença alors à manger du pain d'avoine et de son, et encores par poids : ce qui se prattiquoit jusques aux meilleures maisons de Paris, qui ne donnoient à leurs gens à chacun par jour que demie livre ou peu plus de ce pain. La chair de cheval estoit aussi si chere, que les petits n'en pou­voient acheter : si qu'ils estoient contraints de chasser
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